Les Figures de l’ombre relate l’histoire vraie de trois afro-américaines durant la ségrégation, héroïnes de l’ombre sans qui la conquête spatiale aurait définitivement été remportée par l’URSS.
Pour son premier long-métrage projeté au cinéma (mais son deuxième en prenant en compte St. Vincent, réalisé pour Netflix), le réalisateur américain Théodore Melfi adapte sur grand écran le livre de Margot Lee Shetterly. Résultat, une adaptation qui marque les esprits avec un film globalement génial dans lequel les défauts se comptent sur les doigts de la main. En s’emparant du sujet des Hidden figures employées par la NASA lors de la conquête spatiale, le réalisateur nous offre un film juste et instructif sur une époque pas si lointaine pendant laquelle être noir était considéré comme une tare indéfectible.
Un sujet méconnu
Katherine Johnson (née Coleman) est depuis son plus jeune âge une surdouée des mathématiques. Elle quitte le lycée diplômée à 14 ans et entre à l’université de West Virginia où elle suit assidûment chaque cours de mathématiques dispensé. Elle parfait son savoir pour les nombres lors de son cursus universitaire et plusieurs de ses professeurs décident de la prendre sous leurs ailes. L’un d’eux, Schiefflin Clayton (le troisième docteur en mathématiques afro-américain de l’Histoire) crée même un cours sur mesure pour Katherine. Elle obtient son PhD (doctorat) à 19 ans.
Après une brève carrière dans l’enseignement, elle postule à la NACA (l’ancêtre de la NASA) qui cherche des mathématiciens. Engagée dans l’aile Ouest de Langley, elle rejoint une équipe de femmes afro-américaines chargée de vérifier les calculs des ingénieurs. À cette époque, inutile de préciser que l’ingénieur de l’agence spatiale répond à un profil type : matheux, blanc et de sexe masculin.
« Ce n’était pas une idée totalement radicale, les femmes avaient déjà travaillé en tant qu’ordinateur pour faire des calculs. Elles étaient incroyablement efficaces dans leur travail. De grandes mathématiciennes ». Bill Barry, historien en chef de la NASA.
Néanmoins, en 1961, les États-Unis sont en retard. L’URSS a déjà mis en orbite son Spoutnik et Youri Gagarine a déjà orbité autour de la Terre avec la mission Vostok 1.
Il est hors de question pour le président Kennedy de continuer à perdre du terrain. Toutes les ressources sont mobilisées et la NASA fait fi —de façon très intéressée— de la ségrégation pour ne serait-ce que quelques mois.
Obéissant à un emploi du temps décidé chaque matin, Katherine quitte l’aile Ouest afin de prêter main forte au programme Mercury chargé de mettre en orbite le premier américain, John Glenn.
La pugnacité et la persévérance dont elle fera preuve la fera entrer dans l’Histoire. Mais nous n’en dirons pas plus sur le sujet, sous peine de trop en dévoiler.
Elle vivra cette expérience, épaulée par ses deux amies, l’aspirante ingénieure Mary Jackson et la superviseure d’équipe Dorothy Vaughan qui devront quant à elles faire face à leurs propres turpitudes professionnelles et personnelles.
Katherine Johnson en 1962, cette femme est une immense mathématicienne, même si elle en a p’Euler — Crédits photo NASA
Ceci n’est pas un documentaire
Le scénario est très fidèle à la réalité. L’historien en chef de la NASA, Bill Barry a collaboré avec l’équipe du film et a fait profiter de son expertise afin d’apporter au réalisateur ses connaissances. Les placards à archives de la NASA étaient grands ouverts afin de reconstituer au mieux à la fois l’ambiance qui régnait à Langley mais également les bâtiments du campus de la NASA.
Notons au passage que le personnage joué par Kevin Costner a été créé pour l’occasion dans un but de simplifier la trame narrative. Malgré ce qui est montré à l’écran, la NASA n’était pas particulièrement en avance sur la lutte contre la ségrégation par rapport au reste du pays.
Comme pour toute adaptation de livre, il est bien trop complexe voire impossible pour un réalisateur de ne pas polir l’histoire afin qu’elle colle aux standards d’un film Hollywoodien. Certains faits doivent être omis, raccourcis, simplifiés et certains pans de la vie des héros se doivent d’être idéalisés ou romancés.
Aparté vous propose de découvrir l’entretien avec Bill Bary, réalisé par la Cité de l’Espace de Toulouse, à l’occasion de la projection de l’avant-première du film.
Entretien avec Bill Bary, réalisé par la Cité de l’Espace de Toulouse
Un casting et une réalisation qui mettent le film en orbite
Le film s’appuie à la fois sur des têtes d’affiches connues mais également sur des acteurs plus méconnus. Les deux s’allient parfaitement. Outre la présence au générique de Kevin Costner et celle de Kirsten Dunst, la plus bluffante reste Taraji P. Henson, qui endosse le rôle principal. Il y a fort à parier que ce film restera l’un de ceux qui fera décoller sa carrière tel une fusée Atlas.
Jim Parsons, connu notamment pour son rôle de geek névrosé dans la série The Big Bang theory, incarne ici un ingénieur convainquant qui ne supporte pas de voir son travail contrôlé par une femme, qui plus est noire.
Du côté des quelques petits défauts du film, ils sont peu nombreux. Les héroïnes sont plus confrontées au problème ségrégationniste qu’au sexisme. Tellement peu qu’il nous a fallu une seconde lecture pour nous rappeler qu’être une femme handicapait l’une des protagonistes à un moment de sa carrière.
Enfin, nous aurions préféré un film quelque peu plus technique, quitte à sacrifier quelques minutes de suivi de leur vie personnelle, mais cela n’est qu’une question de goût, le film n’est aucunement gâché par ces deux points.
La réalisation quant à elle est dynamique et la bande originale composée en grande partie par Pharrell Williams ajoute une plus-value absolument indéniable.
À Aparté, nous sommes définitivement fans et attendons avec impatience la sortie du Bluray afin de pouvoir revoir ce film bien campés dans le canapé.
Le film est en salle le 8 mars 2017.