En ce mardi 3 mai, jour de présentation à l’Assemblée nationale du projet de loi travail, un pic de contestation a eu lieu un peu partout en France. À Toulouse, actions et manif’ ont rythmé la journée, pour finir en feu d’artifice sur le Capitole. Flash-back, avec au menu : ketchup, frites, grosses pincées de lacrymos et cortège sauvage.
Canaliser la contestation – Photo Marie Desrumaux
La deuxième action de contestation du collectif « Y a pas d’arrangement », qui avait débuté hier à 18h30 dans le centre-ville, s’est terminée devant l’Hôtel de Police de Toulouse aux alentours de 23h. Des dizaines de manifestants ont convergé vers le commissariat pour réclamer la libération d’un de leurs « camarades ». Que s’est-il passé ? Comment en est-on arrivé là ? On vous raconte…
Acte I – A l’assaut du McDo
Rendez-vous était donné à 18h30 au métro Jean Jaurès pour l’action surprise du collectif « Y a pas d’arrangement » (Attac 31 + DAL Toulouse31 + Nuit Debout Toulouse + CIP + lycéen-nne-s + étudiant-e-s + guests). Pour rappel, c’était déjà ce collectif qui avait envahi une agence bancaire de la BNP Paribas en tongs et parasols, il y a quelques jours.
Avions en papier – Photo Marie Desrumaux
Quand on arrive, quelques dizaines de personnes sont rassemblées devant la bouche de métro et une présence policière bien visible termine de planter le décor. Le coup d’envoi est donné par le mégaphone d’un organisateur : « On prend le métro ! » Direction la station Capitole. Les manifestants s’engouffrent dans les rames, en ressortent à la station suivante, puis c’est le sprint jusqu’au McDo du Capitole. La surprise est totale, le restaurant n’a pas l’air d’avoir prévu le coup. En un instant le fast-food est envahi par les manifestants, les confettis volent. Quelques minutes plus tard, les forces de l’ordre arrivent (Gendarmes mobiles + CRS + BAC + guests). Le face à face commence.
Y a du monde au balcon – Photo Marie Desrumaux
Pendant que les confettis s’égrènent, que les avions en papier volent et que les banderoles s’installent, les organisateurs détaillent le but de leur action – dénoncer la fast foodisation de nos vies et du travail – et font plusieurs points sur la situation au mégaphone. Un vote a lieu sur trois propositions et à mains levées, c’est la dernière qui l’emporte : « On occupe le McDo jusqu’au retrait de la loi travail ».
Nouvelle déco – Photo Marie Desrumaux
Les négociations se font au téléphone directement avec le directeur du fast-food, qui n’a pas l’air très enthousiaste à l’idée de savoir son restaurant occupé. Des propositions un peu floues sont lancées, par exemple de partir pacifiquement du restaurant à la fermeture en échange du retour de l’électricité pour la Nuit Debout. Mais quelques minutes plus tard, vers 20h15, le mégaphone des manifestants reprend du service « Le directeur demande l’évacuation du restaurant ». C’est parti pour l’action.
« Alors on va prendre un maxi best-of et 2 cocas. Et oubliez pas les sauces svp » – Photo Marie Desrumaux
Acte II – Ça gaze
Les manifestants se barricadent à l’intérieur du fast-food. Depuis le début de l’action, beaucoup de curieux et de sympathisants se sont amassés juste devant le restaurant. Les organisateurs du collectif annoncent qu’ils resteront pacifiques. Son de cloche différent du côté des forces de l’ordre.
« Nous allons faire usage de la violence » – Première sommation
Après les sommations d’usage, une ligne de boucliers repousse la foule sur la terrasse, pendant qu’une autre équipe entre dans le restaurant, après avoir brisé la porte-vitrée, et se met à évacuer les occupants un à un. Plusieurs dizaines de personnes à l’intérieur, deux étages, l’opération est un peu longue.
Pause barricade – Photo Marie Desrumaux
Les premières personnes sont évacuées violemment, tirées par les pieds sur les éclats de verre par terre (cf. la porte vitrée brisée). Une ou deux perdent connaissance. La foule crie et proteste. Ceux qui sortent décrivent la violence des forces de l’ordre pour les déloger. La situation se tend.
Oui c’est un pied que le Monsieur tient dans sa main – Photo Marie Desrumaux
Premières étincelles, premières fumées. Les forces de l’ordre utilisent à plusieurs reprises des gaz lacrymogènes pour tenter de disperser le groupe face à eux. Les occupants continuent à sortir un par un, tantôt traînés, souvent sur leurs deux pieds. « Rémi, Rémi, on oublie pas », scandent des dizaines de personnes, en référence à Rémi Fraisse, tué par une grenade le 26 octobre 2014, lors d’une manifestation contre le barrage de Sivens. La situation se tend encore et la foule devient particulièrement virulente lorsque l’un des syndicalistes présents à l’intérieur est interpellé.
Nuages sur le Capitole – Photo Marie Desrumaux
Des jets de projectiles tombent sur la police (on a recensé un plateau McDo et une chaise, le reste est non-identifié), la réponse se fait en gaz lacrymos, un grand nuage envahit le Capitole, la foule commence à se disperser et la situation se calme petit à petit.
Venez comme vous êtes – Photo Marie Desrumaux
Ou plutôt, le gros des troupes se rassemble de l’autre côté de la place, devant le théâtre du Capitole, là où se tient la Nuit Debout depuis quatre semaines. Les installations sont d’ailleurs mises à l’abri dans une camionnette, une assemblée générale commence et les discussions s’engagent. « Il faut aller demander la libération de notre camarade », affirment certains.
Politique de la chaise vide – photo Marie Desrumaux
Acte final
A 21h 30, après quelques palabres, la décision est prise de se rendre au commissariat. Problème, tous les accès au métro Capitole sont bloqués par des cordons de boucliers au niveau du McDo et de l’hôtel de l’Opéra. Un cortège sauvage d’environ 200 personnes s’élance rue du Taur, direction l’Hôtel de police pour réclamer la libération de l’interpellé du jour.
Après le fast-food, marche digestive – Photo Kévin Figuier
St-Sernin, Arnaud-Bernard, avenue Honoré-Serres. La petite foule arrive jusqu’au commissariat, la BAC sur les talons. Les fourgons et les forces de l’ordre sont déjà là. Ils encerclent rapidement la majorité du groupe. Tentatives de discussion et de sit-in. Las. Petit à petit, les manifestants empruntent l’escalator pour descendre dans la station de métro, le temps de procéder aux contrôles d’identité.
Ouais la lumière était pourrie – Photo Marie Desrumaux
Pendant ce temps, les étudiants des Beaux-arts, un peu en retard, installent un mirador « Lançons l’alerte » place du Capitole. Fin d’une soirée Mac-mouvementée.
Pierre Collas et Marie Desrumaux.